Quelles sont les interactions qui nous façonnent ? Quels sont nos rapports aux êtres, aux lieux et aux choses qui nous entourent ? En quoi la mémorisation des évènements vécus et des images enregistrées nous relient à nous-même et aux autres ?
Interroger sa mémoire, mettre à jour des souvenirs, des objets mystérieusement conservés au gré des déplacements, des empreintes photographiques ou numériques, les comparer entre eux, émettre des hypothèses sur leurs relations, tel est mon propos. L’archéologue examine les vestiges d’un temps passé et révolu pour mieux appréhender une civilisation, une époque, un groupe humain. Je cherche à saisir les traces d’événements personnels et tente de me figurer leurs généalogies. Croisements, séparations, parallélismes, superpositions et successions des trajectoires parcourues par les êtres, les choses et les faits. Les perspectives sont multiples qui désorientent ma perception.
Chaque étape de l’enquête annonce ou préfigure la suivante. Les modes de représentations employés sont comme une métaphore des opérations en jeu. Une impression de vertige résulte de la division abyssale des images qui en appellent d’autres.
Les médiums utilisés sont les suivants : photographies, représentations picturales ou textiles de photographies, vidéos, dessins, manipulations numériques, changements d’échelle, simplifications, répétitions, intégrations d’éléments de la nature, d’objets, d’ouvrages réalisés par Alix ou moi-même, associations par montage ou par mise en présence.
L’idée est de créer de la discontinuité dans la continuité, ou de l’unité dans le fragmentaire, à la manière des images numériques qui, au gré des manipulations qu’elles subissent (agrandissements, compressions, filtres, montages,…) nous montrent une façade lisse ou morcelée.
L’analyse des documents, leur confrontation et le jeu des interactions suscitées révèlent des liens insoupçonnés. Des passerelles sont jetées d’un évènement à l’autre. Comme un tissu froissé, temps et espaces se rejoignent ou s’éloignent. La frontière entre imagination et mémoire est trouble. Histoire individuelle et Histoire collective se répondent.
Au cours du processus, des éléments apparaissent qui focalisent l’intérêt. Par exemple, dans le cas présent si, au départ, l’enquête interroge huit documents photographiques et un drap brodé d’initiales, c’est le maillot de bain porté par l’enfant sur les photographies qui va polariser l’attention.
Ce vêtement offert à Alix en juin 2000, est témoin d’une histoire privée et porte en son sein une forte charge affective. Cependant, bien au-delà de son existence propre, le maillot de bain américain renvoie aux relations humaines et aux faits qui ont précédés et provoqués son entrée dans la vie d’Alix. Aussi, en filigrane, transparaitront des signes-images marqueurs d’une époque tant d’un point de vue plastique, culturel, social que politique.
Le projet du maillot de bain américain inclut les influences exercées par des artistes contemporains (Giuseppe Penone, Sophie Calle), par des écrits littéraires (Jean Genet, Paul Celan, W.G. Sebald) ou des textes de recherche scientifique (Leroy-Gourhand, Papadopoulo-Belmehdi).